Lutte contre la’excision : Les agents de santé à base communautaire entrent dans la danse

Publié le samedi 22 juin 2019 à 23h26min

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Lutte contre la’excision : Les agents de santé à base communautaire entrent dans la danse

Choquer pour un changement de comportement. À travers des images. Des images de fillettes mutilées et des témoignages glaçants. C’est entre autres l’approche utilisée par le Conseil national de lutte contre la pratique de l’excision (CNLPE), en mission de supervision dans la région du Nord, du 17 au 21 juin 2019. Zoom sur l’étape de la commune de Lèba, dans la province du Zondoma.

De la gêne dans le regard, comme pour fuir la réalité toute nue. Des mots qui peinent à sortir, un silence pesant... face à des images de fillettes excisées qui défilent sous leurs yeux. La vingtaine d’Agents de santé à base communautaire (ASBC) de Lèba, commune située à une trentaine de kilomètres de Gourcy (région du Nord), a du mal à admettre l’horreur pratiquée dans certains villages du Burkina Faso et de la sous-région, au 21e siècle.

Des relais crédibles

Participants d’une formation, jeudi dernier, ces hommes et femmes seront des relais crédibles pour sensibiliser les populations sans faux-fuyant afin de bouter la pratique des Mutilations génitales féminines (MGF) qui ont encore la peau dure dans les contrées de la province du Zondoma dont le taux de prévalence était de 38,54%, selon un sondage réalisé en 2017.

La connaissance de l’organe génital féminin

Avant d’aborder le module sur les MGF, le Dr Jonas Bado, à travers la boîte images, a fait un tour d’horizon sur les parties de l’organe génital externe de la femme (grandes et petites lèvres, clitoris, vagin, etc.) et leur utilité pour la femme, surtout pendant l’accouchement. Ce fut un moment de découverte pour la plupart des participants dont Ousmane Ouédraogo du village de Sanh.

Après l’exposé sur les différents types d’excision, le médecin est revenu sur les effets néfastes des MGF qui peuvent être mortelles si la jeune fille ne bénéficie pas d’un traitement d’urgence pour stopper les hémorragies et soigner les infections. En cas de complications à l’accouchement, des soins obstétricaux d’urgence sont nécessaires, selon le Dr Jonas Bado.

Les fondements de la pratique des MGF

À sa suite, le directeur provincial de la femme, de la solidarité nationale, de la famille et de l’action humanitaire du Zondoma, Yacouba Ouédraogo, a échangé avec les participants sur les fondements d’ordres religieux et social qui sous-tendent les MGF. Les populations croient dur comme fer que les mutilations génitales purifient la jeune fille, préservent sa dignité jusqu’au mariage et garantissent sa fidélité dans le foyer, une fois mariée.

Quid des sanctions ?

Des sanctions existent contre les auteurs de ces pratiques jugées rétrogrades pour la santé de la jeune fille. La peine d’emprisonnement, selon le directeur provincial, Yacouba Ouédraogo, va d’un à dix ans et l’amende de 500 000 à 3 millions de francs CFA. Et si mort s’en est suivie, la peine va de 11 à 21 ans d’emprisonnement et l’amende de 1 à 5 millions. Les peines sont portées au maximum si l’auteur est du corps médical ou paramédical.

34 cas de mariage d’enfants en 2019

Au cours de la journée, les participants ont eu droit également à un exposé sur le mariage des enfants, intimement liés à la question de l’excision. Il ressort de cet exposé animé par Joanny Compaoré et Yacouba Ouédraogo, que la province enregistre, depuis le début de l’année 2019, 34 cas de mariage d’enfants. Le dernier en date est celui d’une adolescente qui a trouvé refuge à la direction provinciale. Dans la foulée, sa mère, accusée par le père d’être de connivence, a été répudiée.

Le refus du déshonneur

Qu’est-ce qui peut justifier une telle pratique ? À cette question, Yacouba Ouédraogo dira que le refus du déshonneur des familles et le besoin de consolider les liens séculaires entre familles et villages, est toujours d’actualité.

Sur la question des sanctions, Joanny Compaoré note que la loi prévoit une peine d’emprisonnement de 6 mois à 2 ans. Et la peine va d’un à trois ans si la victime est mineure.

L’UNICEF et l’UNFPA, partenaires de lutte

En rappel, Lèba est la 4e et avant-dernière commune du Zondoma visitée par la mission conjointe du Conseil national de lutte contre la pratique de l’excision et de la Direction générale de la promotion de la famille et du genre, conduite par Rasmata Ouédraogo. La tournée s’est achevée dans la commune de Boussou.

Cette mission, qui s’est déroulée de façon concomitante dans les trois autres provinces de la région du Nord, intervient après les tournées du Sahel et du Plateau Central, et entre dans le cadre du programme conjoint du Fonds des nations unies pour l’enfance (UNICEF) et du Fonds des Nations unies pour la population (UNFPA), mis en œuvre dans 17 pays africains et le Yémen.

Grâce aux actions de ces deux agences de l’ONU et des institutions burkinabè, la prévalence des MGF connaît une régression lente mais régulière.

Herman Frédéric Bassolé
Lefaso.net

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