Yacouba Sawadogo, prix Nobel alternatif 2018 : « Je suis disposé à transmettre mon savoir-faire »

Publié le vendredi 31 mai 2019 à 15h51min

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Yacouba Sawadogo, prix Nobel alternatif 2018 : « Je suis disposé à transmettre mon savoir-faire »

Connu par la nation tout entière et à l’échelle mondiale pour son abnégation et son engagement dans la préservation de l’environnement, Yacouba Sawadogo est un véritable militant écologiste. Tout en veillant sur sa forêt, « l’homme qui a vaincu le désert » a en tête d’autres projets, toujours dans le sens de la réduction des impacts négatifs du changement climatique. En attendant, le Prix Nobel alternatif 2018 se dit disposé à transmettre son savoir-faire aux jeunes.

Au quotidien, machette à la main, le vieux Yacouba s’active dans sa forêt « Bangr-Raaga », qui signifie en langue mooré « le marché du savoir ». Le nom du site traduit la volonté de son propriétaire de transmettre son savoir à tous ceux qui le solliciteront. Étendue sur une superficie de près de 27 hectares, la forêt « Bangr-Raaga », située à Gourga au secteur 15 de la ville de Ouahigouya, est un site forestier renfermant plusieurs espèces d’arbres et d’animaux. Le noble travail de ce septuagénaire a été distingué lors du Prix Nobel alternatif édition 2018 et à la faveur de la COP 24. Le travail qu’il abat depuis 46 ans a été également reconnu par un trophée « Special Events de l’UEMOA ».

La pepinière de nouvelles espèces d’arbres

Le vieux Yacouba a abattu un travail énorme que personne n’a osé jusque-là. Ce qui lui a valu une bonne réputation à l’échelle mondiale. Le parc forestier « Bangr-Raaga » est un travail très noble et très important dans la préservation de l’environnement. L’homme qui a arrêté le désert a reçu des encouragements et des félicitations de plusieurs hautes personnalités. Il a aussi reçu la visite de deux ministres : Batio Bassière de l’Environnement et Sommanogo Koutou des Ressources animales et halieutiques, en février dernier, sur instruction du président du Faso. Les ministres l’ont félicité pour ses efforts.

Le vieux Yacouba

« Cela m’encourage beaucoup et je compte poursuivre sans relâche ce travail malgré le poids de l’âge, mais aussi impliquer les jeunes ou toute personne ayant les mêmes ambitions. Avec plus de sensibilisation, d’abnégation, de la volonté et de la vocation, d’autres personnes peuvent faire encore mieux. Avec la vocation, la discipline et l’abnégation, nous pouvons tout réaliser. « La grande muraille de la Chine, le mur de Berlin ne sont pas des œuvres du hasard ou du travail forcé ; elles ont été réalisées dans le but d’atteindre un objectif, dans la discipline, le courage et la volonté », nous a-t-il confié. « C’est pourquoi j’exhorte tous ceux qui veulent réussir, que ce soit dans ce domaine ou dans tout autre, à projeter leur vision dans le bon sens. Ils parviendront à leurs objectifs car rien n’est impossible à celui qui croit ».

L’étang réalisé par le Vieux Yacouba dans sa réserve forestier à main

Il poursuit : « J’ai été traité de tous les noms d’oiseaux au tout début : vieux fou, disaient d’aucuns. Mais convaincu de l’impact positif de la préservation de l’environnement et de la lutte contre l’avancée du désert, de nos jours, je rends grâce à Dieu qui m’a soutenu dans ma ‘‘folie’’ ». Il a souligné en outre qu’après le prix Nobel alternatif et depuis la visite des deux ministres, qui ont accordé de l’importance à ce qu’il a réalisé comme travail, « les travaux continuent ; le site est fréquenté par des élèves, des étudiants, des touristes venus de divers horizons et même de la sous-région.

Le vieux Yacouba en plein entretien des arbres de sa forêt

S’intéressant à ce que je fais, ils profitent acquérir des connaissances sur les bonnes pratiques et la bonne gestion de l’écosystème. Ce qui est un grand honneur pour moi, car je suis considéré dans mon milieu comme un consultant en écologie ou un partisan écologiste. Aussi, la réserve regorge de beaucoup de plantes médicinales et la population ne peut pas s’en passer car elle vient les solliciter pour des soins. Moi-même, je suis aussi un tradipraticien. Ce faisant, je compte mieux faire en plantant d’autres espèces et en veillant pour que ce qui existe déjà ne disparaisse pas ».

Les difficultés

Mais comme dans tout travail, les difficultés ne manquent pas. Yacouba Sawadogo cite entre autres l’absence de documents et la non-délimitation de son site forestier qui lui posent un véritable problème en plus du manque criard d’aides financières. Il dit aussi avoir besoin de matériel de protection et d’entretien (clôtures, outils de travail, forages pour l’approvisionnement en eau et aliments pour les différents espèces d’oiseaux, de plants et d’autres espèces animaux…).

Des défis à relever et des perspectives

Comme perspectives, M. Sawadogo a évoqué la construction d’un centre de formation en écologie, la mise en place d’un site d’élevage de différentes espèces d’animaux et de volaille en voie de disparition, un centre de médecine traditionnelle. Il compte aussi disposer d’infrastructures de stockage et de soins en pharmacopée.

Yacouba Sawadogo voudrait aussi mettre en œuvre de nouvelles techniques permettant la croissance en hauteur des arbres, quelle que soit leur espèce ; de nouvelles techniques de transformation des feuilles mortes en fourrage et en fumier organique. Il veut aussi développer de nouvelles techniques de cordons pierreux « made by Yacouba Sawadogo » pour stopper l’érosion des sols et créer une sorte de pépinière naturelle. Yacouba Sawadogo ambition aussi de curer l’étang situé à l’intérieur du site où les animaux s’abreuvent. Il voudrait par ailleurs pratiquer la pisciculture et produire du miel naturel.

Pour le Prix Nobel alternatif, tous ces chantiers sont nécessaires pour préserver l’environnement et transmettre son savoir-faire à la génération future. C’est pourquoi, a-t-il ajouté, « j’interpelle les autorités gouvernementales, les partenaires écologistes, toute personne de bonne volonté qui cherche à valoriser cette bonté de la nature de nous épauler car notre travail est noble ».

À propos de la forêt de Kua

Tout en évitant de s’ingérer dans les affaires de l’État, le vieux Yacouba exprime son mécontentement à propos du déclassement de la forêt de Kua à Bobo-Dioulasso, au profit de la construction d’un hôpital. « En tant que militant écologiste, je plaide pour le non-déclassement de la forêt de Kua, et je demande, dans la mesure du possible, de trouver un autre site pour cette infrastructure de santé. Car autant la santé est indispensable, autant la forêt aussi est très importante. Donc tous les deux peuvent être gardés à condition que l’on trouve un consensus et un site assez convenable pour l’hôpital. « Pourquoi ne pas utiliser les espèces de cette forêt et envisager l’installation d’une unité de transformation de produits pharmaceutiques ou traditionnels ? », s’est-il interrogé.

Dans les tous les cas, le vieux Yacouba a dit son entière disponibilité à accompagner (former, sensibiliser, conseiller) tous ceux qui veulent acquérir des connaissances sur la protection de l’environnement.

Ihmane S. Mohamed

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