Crise au Conseil municipal de Gourcy : « Il faut en chaque chose savoir tirer des leçons », Lassané Savadogo, membre fondateur du MPP

Publié le vendredi 29 septembre 2017 à 00h19min

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Crise au Conseil municipal de Gourcy : « Il faut en chaque chose savoir tirer des leçons », Lassané Savadogo, membre fondateur du MPP

Le conseil municipal de la commune de Gourcy, dirigé par Kadidjia Traoré maire élue sous la bannière du Mouvement du Peuple pour le Progrès (MPP), a traversé une crise sans précédent dans l’histoire politique de cette localité. La motion de défiance d’une large majorité des conseillers contre la présidente du Conseil Municipal a suscité deux fois de suite des marches de protestation des organisations de la société civile de Gourcy. Certes, cette motion a finalement été retirée, mais il n’en demeure pas moins qu’un climat délétère s’est installé entre les protagonistes de la crise. Lassané Savadogo, membre fondateur du MPP entouré d’autres cadres du MPP/Zondoma a rencontré les conseillers et des militants du parti le weekend dernier. Au terme de la rencontre, le patron des lieux nous a livré sa lecture de la situation et les mesures prises pour ramener la cohésion au sein du parti, du conseil et dans la communauté.

Lefaso.net : Quelle est la substance de la rencontre de ce matin ?

Lassané Savadogo (L.S.) : La rencontre de ce matin est en rapport avec la situation qui prévaut au conseil municipal de Gourcy. Nous savons tous que ce conseil traverse une crise larvée depuis un certain temps et qui a connu plusieurs évolutions dont la dernière a consisté au dépôt d’une motion de défiance à l’endroit du maire, signée par 58 conseillers du MPP sur 70 et 14 des 23 que compte le CDP. Nous savons également qu’après cela, il y a eu une marche qui a connu une grande mobilisation et des militants de notre parti le MPP et ceux d’autres partis, des membres de la société civile et d’une bonne partie de la population, même s’il faut reconnaitre que les motivations réelles étaient divergentes.

Mais il faut dire qu’auparavant, le parti était saisi du problème et était en train de chercher des réponses pour le débloquer quand la motion a été déposée. Nous avons donc été pris de court et il fallait rapidement trouver une solution. Le retrait de la motion qui est intervenu est certes une avancée, mais il reste encore des initiatives à développer pour y parvenir. C’est donc dans la recherche de solutions que je viens de rencontrer les conseillers pour leur tenir un message de sorte à ce qu’ils attendent que les instances du parti trouvent des réponses à l’ensemble de leurs préoccupations mais avant, nous avons voulu que le conseil municipal retrouve son fonctionnement normal. C’est pourquoi je leur ai demandé de se remobiliser autour du maire pour reprendre le travail, le seul combat qui vaille pour le développement de la commune.

Ceux qui souhaitent d’ailleurs voir Gourcy sous une délégation spéciale en auront pour leurs frais car je suis convaincu que la cohésion sera de retour. Je suis conscient que tout n’est pas réglé, mais je pense que le message est passé et nous continuerons à travailler pour que cette crise entre dans l’histoire et ne continue pas à miner inutilement la sérénité, la cohésion du conseil municipal de cette commune chef-lieu de notre province le Zondoma.

Lefaso.net : Quel message avez-vous eu à l’endroit du maire

L.S : D’abord, je considère le maire de Gourcy comme un conseiller municipal et ils sont tous ce qu’ils sont grâce au parti. Personne ne pouvait être à cette place s’il n’était pas candidat sur la liste du parti. Ensuite, la commune est gérée par le parti à travers ces conseillers municipaux et le bilan que nous allons avoir en fin de mandat ne sera pas celui du maire mais le bilan du parti. Donc c’est notre responsabilité en tant que parti qui est engagée. Parmi les griefs à l’encontre du maire, peut-être qu’il y en a de fondé et peut-être non. Mais le constat général, est que dans la plupart des communes, les maires ont tendance à se comporter comme des chefs traditionnels, tendant à travailler de façon solitaire, sans communiquer avec les autres conseillers ou avec les populations.

De fois également on a l’impression que le sentiment d’appartenance au parti est secondaire. Le parti est utilisé comme un moyen d’ascension politique mais une fois l’objectif atteint, on oublie que c’est lui qui vous a servi d’ascenseur pour arriver là ou vous êtes. Et vous avez déjà des programmes personnels qui n’ont rien à voir avec celui du parti. Or le parti doit être au début et à la fin de votre mandat. Il faut donc une rupture car le héros solitaire n’existe pas. Depuis l’insurrection, le pays a changé et personne ne peut réussir seul, à savoir sans le parti et sans les autres. Il faut travailler à ce qu’il y ait la cohésion, il faut communiquer, il faut développer la culture d’équipe car seul, on échoue forcément.

A l’inverse, on réussit de manière collective. J’ai donc insisté pour que les conseillers municipaux aient un comportement correct vis-à-vis du maire et ne pas croire qu’elle a des réponses à toutes leurs préoccupations sur le champ, mais j’ai également dit au maire qu’elle doit travailler avec tous les conseillers municipaux et être en symbiose avec le parti. Parmi les signataires de la motion, il y a des conseillers MPP et des conseillers CDP, ce qui n’est pas normal. Car si le programme politique qui est mis en œuvre au sein du conseil est celui du MPP, tous les conseillers du parti devraient se mobiliser pour soutenir sa mise en œuvre et à ceux du CDP de contrôler cela. Mais s’il arrive qu’il y ait des solidarités qui transcendent à l’appartenance politique, cela veut dire qu’il y a des considérations autres que politiques qui peuvent peut-être influer sur le comportement des uns et des autres.

Au niveau de la marche, des conseillers MPP et ceux du CDP qui se combattent sous d’autres cieux étaient côte à côte. Cela amène à se poser des questions et de déduire que la crise ici à Gourcy est moins politique que sociale et parfois même, elle est moins objective que subjective, ce qui la rend beaucoup plus difficile à résoudre. Mais on a bon espoir que nous parviendrons avec notre expérience du terrain et d’autres éléments, à venir à bout de cette situation.

Lefaso.net : Certains trouvent que l’implication tardive du parti dans la crise a contribué à l’envenimer. Votre point de vue ?

L.S : Au mois de février 2017 déjà, j’ai pris la parole publiquement lors d’un meeting tenu ici devant ma cour pour affirmer la position du parti par rapport à cette crise et depuis lors, je n’ai pas tenu un autre discours. Donc c’est le seul qui continue d’être la référence pour ceux qui veulent savoir la position du parti. Indépendamment de cela, il faut savoir que ce ne sont pas toutes les actions menées dans ce sens qui doivent être médiatisées. Mais retenons que je suis resté en contact avec tous les acteurs de la crise de part et d’autre, y compris la société civile et même des partis d’opposition.

Et s’il n’y avait pas eu ça, je ne sais pas qu’elle aurait été la situation qui prévaudrait actuellement à Gourcy. Donc les gens ont raison de parler ainsi parce qu’ils ne sont pas tous au courant de ce que j’ai pu conduire et mener comme actions à ce niveau, mais je crois sincèrement que j’ai fait ce que je devais faire. Ils sont nombreux à croire que quand il y a une crise de ce genre, forcement il faut choisir un camp. Chacun veut que tu dises que tu es avec lui, or moi je ne suis ni de droite ni de gauche dans cette crise. Je travaille plutôt à rassembler les différentes parties autours des valeurs partagées. Je peux arbitrer des crises mais mon rôle n’est pas de dire que je suis pour ou contre, pourtant c’est ce que tous veulent de moi.

Lefaso.net : Etant dans un élan d’apaisement, quel message avez-vous à l’endroit de l’ensemble des acteurs de cette crise ?

L.S : Je pense que le message est le même car ce qui se passe à Gourcy est un révélateur des enjeux et des défis auxquels nos populations sont confrontées. Cette crise met en mouvement trois types d’acteurs. Il y a les acteurs politiques : majorité et opposition, la société civile et les populations à la base. Au niveau des acteurs politiques il y a tous les partis à travers leurs militants et les conseillers municipaux qui sont partagés dans les deux camps qui s’affrontent. Donc ce n’est pas uniquement une crise suscitée par le MPP qui ne fait qu’occuper la place qui lui revient de par son importance numérique au sein du conseil municipal. C’est d’ailleurs pourquoi les conseillers MPP sont les plus nombreux parmi les signataires de la motion.

Nous constatons également que parmi les marcheurs, il y a beaucoup de militants du parti. De ce point de vue, c’est un mouvement qui va au-delà des partis politiques pour concerner l’ensemble de la population. Il est de notre devoir quand les populations sortent pour exprimer des points de vue par rapport à la situation qui prévaut au sein du conseil municipal, de les écouter et d’analyser leurs préoccupations afin d’en trouver de réponses appropriées. Nous avons personnellement constaté que ces préoccupations, pour ce qui concerne les populations et la société civile, sont tout à fait fondées.

Au sein du conseil également, nous avons constaté que les signataires de la motion avaient un argumentaire qui se tient par rapport à certains griefs qui sont formulés à l’encontre du maire. Nous savons en plus que ceux qui soutiennent le maire ont eux aussi des arguments qui valent la peine d’être pris en compte. Nous sommes alors dans une logique de mise en commun des efforts de part et d’autre pour que les solutions que nous allons trouver soient des plus justes possibles et satisfaisantes pour tous.

Tout compte fait, la confiance que les populations ont placées au MPP doit être maintenue et renforcée pour que le parti puisse exercer le mandat au grand bonheur des populations de Gourcy et qu’au bout de ce mandat, nous puissions retourner devant elles pour dire, voilà ce que nous avons fait pour vous. Aujourd’hui le niveau d’exécution du Programme communal de Gourcy affiche zéro pour cent et pendant ce temps la commune voisine de Tougo par exemple est à plus de 80%. Ce sont des situations qui handicapent la mise en œuvre des politiques de développement et qui arrivent malheureusement quand les gens passent le temps à s’attaquer et oublient l’essentiel.

Le maire seul ne peut tout faire dans de bonnes conditions, or il a des compétences au sein du conseil qui peuvent l’aider, alors pourquoi ne pas les utiliser ? C’est pourquoi l’une des mesures que j’ai eu à prendre, c’est de créer au sein du conseil un groupe des conseillers du MPP avec un président pour faire la discipline et avant chaque session, ils se retrouveront pour échanger sur l’ordre du jour et harmoniser les points de vues et aussi il y a un comité qui va être mis en place et qui va travailler sur l’organisation du travail communal afin que chaque conseiller puisse apporter sa contribution dans la mise en œuvre des actions de développement initiées par la commune.

Il ne s’agit pas d’une politique d’exclusion des autres partis dont les membres sont également des patriotes qui veulent le développement de Gourcy. Nous savons qu’il y a des pécheurs dans notre groupe, des gens qui pensent que cette situation est favorable à la mise en œuvre de leurs projets funestes, mais ils seront déçus car les populations du Zondoma et les leaders ont pour soucis de promouvoir la paix sociale.

Donc nous allons conjuguer nos efforts avec tous ceux qui ont la volonté d’apporter leurs contributions pour aller de l’avant. Il faut enfin une pédagogie dans les rapports entre ceux qui dirigent les communes et les conseillers d’une part et une bonne sensibilisation de certains d’entre eux dans leurs rapports avec les populations pour limiter les problèmes. Mais il faut accepter que nous sommes dans une logique de recherche de solutions, d’apprentissage, au début d’un processus difficile et dans un tel contexte, chacun a droit à l’erreur et la première commise ne doit pas être une cause suffisante pour couper la tête à la personne. Il faut toujours lui donner la chance de s’amender, de s’améliorer car souvent c’est en se trompant qu’on devient meilleur.

Lefaso.net : Pouvez-vous rassurer les populations que le bout du tunnel est atteint ?

L.S : Je sais qu’au-delà des discours, les gens attendent des actions concrètes. Il y a une session qui est prévue courant octobre et des dispositions seront prises pour qu’elle puisse se tenir et délibérer normalement avec la majorité requise. Donc non seulement le conseil municipal va reprendre son fonctionnement normal, mais nous allons travailler pour que ces conditions soient meilleures et que l’arrimage entre l’équipe municipale et les populations soit plus fort, de telle manière que le conseil municipal ne fonctionne pas comme un pion libre qui s’auto programme sans tenir compte des préoccupations des populations.

C’est ça notre orientation et ce sont ces engagements que nous avons pris lors des campagnes et nous allons travailler pour que cela soit une réalité. Et il faut que les gens considèrent que cette crise n’est pas mauvaise en soit. On aurait souhaité qu’elle n’ait pas lieu mais il faut en chaque chose savoir tirer des leçons et je pense que chacun de nous en a tiré de cette situation et individuellement beaucoup de gens vont s’amender car parfois on commet des erreurs sur ses propres forces, souvent sur l’image que la population à sur nous mais cette crise a permis à chacun de connaitre les limites de ses forces et faiblesses et connaitre également l’image réelle que la population dans sa majorité a de lui.

Ce sont des leçons d’humilité, des leçons de remise en cause de soit pour reconquérir une bonne image auprès des populations qui dans une démocratie sont la source de la légitimité. Si vous voulez être réélu, il faut travailler à être en phase avec les attentes des populations et nous également en tant que parti politique on travaille avec des gens et les populations apprécient. Donc chacun doit travailler à avoir une bonne image auprès des populations.

Propos recueillis par Y.N.
Lefaso.net

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